Le micro est à : Naruthai Tansukasem, Thaïlande

Ancienne chanteuse, activiste de la lutte contre la violence et le harcèlement en ligne.

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Pendant les 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, nous tendons le micro aux femmes qui se trouvent en première ligne, à celles qui combattent la COVID-19 et la pandémie fantôme de violence contre les femmes et les filles, un fléau qui ne connaît pas de répit et qui se propage implacablement. Ce sont les voix des survivantes, de celles travaillant dans des secteurs essentiels, ou encore des leaders, qui nous expliquent ce qui est urgent et comment nous pouvons mettre fin à l’escalade de violence, dépasser la crise de la COVID-19 puis reconstruire sur de nouvelles bases.

Naruthai Tansukasem performing during a 2019 reunion concert with her former group “Siamese Kittenz”. Photo courtesy of Kukufoto
Naruthai Tansukasem en 2019. Photo gracieuseté de Kukufoto
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Beaucoup de gens adorent les jeunes chanteuses, qui elles-mêmes prennent plaisir à s’exposer aux projecteurs et aux foules de fans. Mais il y a le revers de la médaille, dont bien peu de gens sont conscients.

Que pouvez-vous faire pour aider ?

La solution, c’est de faire un usage responsable et éthique des médias sociaux. Cela commence par vous et votre entourage, avant d’atteindre la communauté tout entière.

Nous sommes souvent traitées par la société comme de simples objets sexuels, pas comme des êtres humains avec leur dignité et leurs droits. Les attitudes des fans participent à ce problème de “chosification”, mais ils ne s’en rendent pas compte. Nos photos, autographes, notes manuscrites adressées à des fans, séances de dédicaces – tous sont devenus des produits commercialisables, au détriment de notre vie privée.

Récemment, j’ai subi un harcèlement sur Internet. J’ai remarqué qu’il se produisait une [hausse] brutale du nombre de personnes suivant mon compte Instagram, et je recevais énormément d’appels d’amis et de fans qui voulaient savoir si “c’était vraiment moi”. Les photos et vidéos qui étaient diffusées étaient vraiment choquantes. Certains de mes amis ont cru que c’était moi ! J’étais traumatisée et gênée de voir des photographies de mon visage coupées puis collées sur le corps nu de quelqu’un d’autre.

Après ça, j’ai commencé à recevoir beaucoup de courrier indésirable. Je me sentais vraiment paralysée et désespérée. J’ai éteint mon téléphone et consulté une ONG luttant contre toutes les formes de harcèlement sexuel et de violence domestique. J’ai reçu une aide juridique et porté plainte auprès de la police ainsi qu’auprès du Département de cybercriminalité du ministère thaïlandais de l’Économie et de la Société numériques. Mes plaintes ont été enregistrées, mais les autorités ne savent absolument pas comment trouver les coupables.

Le fait d’être représentée comme un objet sexuel dans les médias peut affecter les artistes mentalement, émotionnellement et physiquement. Certaines d’entre nous reçoivent des messages demandant des services d’escorte – ou pire – et, très souvent, on nous envoie des photos de parties intimes ou de gens en train d’avoir des relations [sexuelles]. Je vivais dans la crainte permanente que mon nom ou mes photos ne fassent l’objet d’un détournement.

Du fait du confinement dû à la COVID-19, ceux qui commettent des violences envers les femmes et les enfants se tournent de plus en plus vers la technologie. Les femmes et les filles subissent une violence numérique, ou facilitée par la technologie, qui est misogyne et hostile. Parfois nous entendons parler de cas où l’aide est arrivée trop tard. Plus les auteurs des violences sont capables de rester anonymes, plus ils peuvent être dangereux. »

ONU Femmes œuvre à transformer les normes sociales et à prévenir la violence à l’égard des femmes au moyen de programmes et de campagnes sur le terrain

Naruthai Tansukasem, qui a 20 ans, est devenue chanteuse dans le groupe féminin « Siamese Kittenz » à l’âge de 12 ans, animée par une passion pour la scène et la danse. Après être restée dans ce groupe pendant six ans, elle l’a quitté à cause du harcèlement en ligne qui, bien que très courant, ne fait souvent l’objet d’aucune mesure de la part de l’industrie du spectacle. Elle est désormais une activiste qui s’exprime contre la tendance de l’industrie du spectacle à transformer en objets les femmes et les filles – un rôle qu’elle n’aurait jamais imaginé tenir un jour.

Elle participe à la plateforme en ligne et exposition de photos « Girls, Not Objects » (Des filles, pas des objets), soutenue par ONU Femmes et l’Agence coréenne de coopération internationale, qui représente la façon dont les artistes femmes sont dévalorisées et traitées en objets par divers moyens, notamment le harcèlement en ligne, les attentes sociales vis-à-vis des personnalités publiques et les méthodes de marketing de l’industrie du spectacle.